Malaria and Infectious Diseases in Africa

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Malaria 2000
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Article 1 - Malaria 2000

Allocution du Docteur Timothy Stamps, Ministre de la Santé et du Bien-être de l'Enfant au Zimbabwe.
Lors de la session de clôture de la 3ème conférence panafricaine sur le paludisme, Nairobi, juin 1998.

Merci Monsieur le Président suppléant,

J'ai trois jeunes enfants et habituellement, je leur lis des histoires d'enfant le soir avant d'aller au lit. Récemment, je leur lisais Alice au pays des merveilles. Comme vous savez, Alice a commencé à devenir toute petite et elle continue à rapetisser tout au long du livre. A un moment, elle mesure exactement 7 cm de hauteur et, en se promenant dans les hautes herbes, elle se retrouve face à face avec une chenille assise sur un champignon. Alice et la chenille engagent une conversation un peu étrange. A la fin de la conversation, la chenille dit : “Bien je pense que c'est le moment pour vous de partir si vous ne voulez rester ici pour toujours.” Alors Alice dit : “D'accord, quel chemin dois-je prendre ?”. Et la chenille dit : “Et bien, cela dépend où vous voulez aller, évidemment”. Alors Alice dit : “Peut m'importe où je vais”. Alors la chenille répond : “Et bien, si cela vous importe peu, alors allez-y !”. Je pense que cette situation illustre notre problème dans la gestion de certaines situations en Afrique comme le paludisme. Nous voulons aller quelque part, mais nous ne nous inquiétons pas de l'endroit où nous voulons aller dès le moment où nous partons du point où nous sommes. Je pense que cette conférence est très utile ; elle constitue une tentative de concrétiser notre approche due paludisme pour en faire un ensemble conceptuel cohérent. Nous pouvons dès lors focaliser nos activités sur le mandat que nous avons reçu de la Communauté Internationale pour la lutte contre le paludisme et ses conséquences en Afrique, un problème moral qui n'est désormais plus tolérable dans une société civilisée. Le paludisme est devenu un enjeu politique et je vais répéter certaines des opinions déjà exprimées dans ce symposium : nous devons orienter la puissance politique et l'amener dans la direction adéquate qui permettra de vaincre définitivement le paludisme.

Avant tout, il convient de reconnaître les différences entre notre continent et les autres régions du monde où le paludisme est endémique. On constate une très nette différence entre l'Asie du Sud-Est et l'Afrique, avec des taux de mortalité bien plus importants en Afrique qu'en l'Asie du Sud-Est. Cette négligence des besoins du sud et particulièrement de l'Afrique est la conséquence du processus de décolonisation mondiale, par les pays économiquement puissants, qui a suivi la deuxième guerre. Pour illustrer l'importance relative des problèmes dans l'esprit de ceux qui ont le pouvoir des décisions, il suffit de comparer la réaction du Nord aux 20 cas du nouveau variant du syndrome de Creutzfeldt-Jacob (encéphalopathie spongiforme subaiguë, BSE) ainsi que l'importance des montants financiers, du temps et de l'expertise consacrés à ce problème, par rapport aux millions d'enfants qui meurent en Afrique d'une maladie qu'il est possible de prévenir, de traiter et de gérer avec les ressources existantes.

Cela rappelle la citation de Joseph Staline qui, à la mort de sa fille, pleurait amèrement et était inconsolable depuis presque une semaine. Un de ses adjoints vint lui dire : ”Monsieur Staline, votre fille est morte mais il y a des milliers de personnes qui meurent chaque jour dans cette guerre avec l'Allemagne”. Staline répondit : “Un mort est une tragédie, mille morts, c'est une statistique” ; et probablement qu'un million de morts c'est encore plus qu'une statistique. Nous avons maintenant à transposer cette statistique en conviction politique réaliste dans la conscience de ceux qui ne sont pas impliqués médicalement et de ceux qui ont la possibilité d'apporter leur aide. Nous avons entendu une communication déprimante ce matin et cette communication a confirmé mes pires craintes : le secteur commercial de l'industrie des spécialités pharmaceutiques n'investit pratiquement rien, probablement moins de 30 millions de dollars par an, dans le développement des médicaments antipaludiques. Alors que nous sommes confrontés avec le spectre d'une résistance aux antipaludiques testés, fiables et bon marché, nous n'avons rien à leur substituer. Cela devrait nous faire réagir de toute urgence en mettant en œuvre les bras et les jambes, les disponibilités et les méthodes dont nous disposons déjà. Evidement, le groupe de patients qui devraient bénéficier de nouveaux médicaments est pauvre et incapable d'acheter les médicaments, ce qui a finalement très peu d'importance pour ceux qui se préoccupent de leurs actionnaires plutôt que des intervenants. Il y a donc très peu d'intérêt de développer un médicament destiné aux pauvres ? Le Docteur Wellcome doit se retourner dans sa tombe.

Il y a des similitudes très étroites entre l'attitude vis-à-vis du paludisme en Afrique et l'attitude vis-à-vis du SIDA aux Etats-Unis au début des années 1980. Tout comme en Afrique, la population cible de la maladie était considérée comme peu importante, économiquement et politiquement. Aux Etats-Unis, le SIDA était considéré comme une maladie visant une communauté dont personne ne voulait entendre parler, les homosexuels ; en conséquence le développement de stratégies pour contrôler ce que l'on appelait le GRIDS fut postposé par choix politique. La situation est peut-être encore pire pour le paludisme. Tous les antipaludiques, peut-être à l'exception des sulfones, ont été initialement isolés par des chimistes qui ont analysé les traitements phytopharmaceutiques utilisés par les communautés indigènes sujettes au paludisme ; pratiquement aucun antipaludique n'est né dans les pays développés.

Nous devons réclamer le droit d'obtenir ce traitement pour nos populations par tous les moyens à notre disposition, l'alternative étant trop horrible : les pièges polémiques comme Silent Spring de Rachel Carson ont des répercussions significatives en Afrique, parce que nous ne pouvons maintenant plus utiliser de produits anti-vecteurs rémanants qui ont prouvé leur valeur au cours des années et qui ont contribué au contrôle du paludisme en Amérique du Sud. Nous devons maintenant utiliser des pyréthroïdes non rémanants et des produits de synthèse coûteux, biodégradables et non rémanants. Nous avons oublié beaucoup des leçons de nos ancêtres. Il reste très utile de se déplacer et d'aller voir sur place dans les zones où des personnes souffrent du paludisme pour identifier la source de l'infection. Nous avons oublié ce type d'initiative de santé publique et nous nous concentrons sur le traitement des cas cliniques. Nous avons oublié l'utilisation de larvicides au cours de la morte saison, ce qui permet au moins d'éliminer les dernières générations de larves. Nous avons aussi oublié la recherche des sites d'hivernage dans les zones où l'on constate des variations saisonnières. Nous avons même décidé quel était le meilleur moment de l'année pour mettre en œuvre des mesures environnementales. Nous avons oublié que Mussolini, parmi les diverses choses négatives qu'il a pu faire, a quand même fait quelque chose de bien, drainer les marais du Tibre. Cela a permis d'éliminer le paludisme d'Italie et les bâtiments actuels de la FAO ont été construits là où se trouvait le tout dernier marais du Tibre. C'était la dernière zone d'endémie du paludisme de l'Europe continentale. Nous avons aussi oublié des concepts très simples sur les méthodes mécaniques. Nous pouvons attraper ces bestioles qui se promènent sur les roses et les choux, les écraser et les frotter à la surface de notre peau. Cela ne nous rend pas spécialement attirants pour nos petites amies, mais cela nous rend bien moins attirants pour les moustiques femelles. Nous avons oublié des mesures simples, qui ne coûtent rien ou si peu comme nous couvrir durant les heures d'obscurité, en utilisant des textiles dépourvus d'insecticide. Cette mesure, combinée avec quelques moustiquaires, est très efficace. Nous avons oublié qu'arabiensis préfère les bovins aux humains et que nos ancêtres parquaient le bétail à proximité des maisons pour que les moustiques piquent les bêtes plutôt que la famille.

Nous allons aussi demander les accords TRIPS et de l'OMS pour que tous les avantages économiques issus du développement de nouvelles stratégies, y compris de nouvelles formulations, soient brevetés et restent définitivement en Afrique. On sait que les Etats-Unis ont progressivement réduit la part de leur PIB qu'ils consacrent à l'aide aux pays en développement. L'an dernier, les E-U n'ont consacré que 0,08 % de leur PIB, soit environ 1/10ème des 0,7 % recommandés par les Nations Unies. Ce montant a aussi diminué de 0,12 % en 1996. Il doit s'établir en un peu moins de 6 milliards de dollars, y compris la fourniture d'armes à des pays en difficulté comme l'Erythrée. En réalité s'ils avaient donné la même proportion que le donneur le plus généreux (le Danemark), l'allocation se serait élevée à 81 milliards de dollars, ce qui correspond seulement à 1 % du PIB et je crois que ni les Etats-Unis, ni l'Agence américaine pour le Développement International n'auraient ressenti cette petite piqûre de moustique. D'après la philosophie internationale déterminée par les Etats-Unis, nous devons tous enfiler nos chaussettes même si nous n'avons pas les moyens d'en acheter.

Le total de l'Aide Internationale a chuté de 55,4 milliards de dollars en 1996 à 47 milliards de dollars en 1997, soit une chute de 13 %. Pour l'Afrique, le coût économique du seul paludisme en 1995 a été évalué par la banque mondiale à 1,6 milliards de dollars et nous ne parlons que du paludisme. Voici les défis auxquels nous devons faire face et ce n'est pas parce que nous sommes dans la recherche ou dans la pratique médicale ou dans l'industrie pharmaceutique que nous devons fermer les yeux devant ces inégalités, ces injustices et ces problèmes qui ne coûteront pas seulement à l'Afrique, mais aussi aux responsables des pays du Nord qui imposent ces contraintes très significatives en termes de développement et de qualité de vie pour le prochain millénaire.

Je vous remercie.

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Dr Stephan Duparc juillet 2000 Dernières modifications le : 10 Janvier 2004