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Article 2 - Malaria 2000
Etude comparative VS-CRP dans le paludisme P. Bourée, F. Botterel et A. Lançon Département des Maladies Parasitaires et Tropicales, Hôpital Bicêtre, 78, rue du GI Leclerc, F-94275 Kremlin-Bicêtre - France
Résumé
Parmi les tests permettant d'apprécier l'importance de la réaction inflammatoire, les plus courants sont la vitesse de sédimentation (V.S.) et la mesure de la protéine C réactive (C.R.P.). Une étude comparative entre ces deux tests a été réalisée chez 25 patients atteints de paludisme aigu, infestés en Afrique, par Plasmodium falciparum, confirmé par la positivité du frottis. A J1, la valeur moyenne de la V.S. et de la C.R.P. ont été respectivement de 19,8 mm et de 94,5mg/l, et à J7 de 105 mm et de 13,20 mg/l. La C.R.P., augmentée très tôt, a donc une meilleure valeur prédictive positive pour le diagnostic du paludisme que la V.S. qui s'élève plus tardivement.
Mots clefs
Paludisme, C-réactive protéine, Vitesse de Sédimentation.
Introduction
Le paludisme est une affection très répandue en zone tropicale, atteignant 400 millions de sujets chaque année. Cette affection, due à un Plasmodium provoque une réaction inflammatoire dans l'organisme. Parmi les examens courants réalisés pour étudier le syndrome inflammatoire, il est intéressant de comparer l'intérêt de la vitesse de sédimentation (V.S.) et de la protéine C réactive (CRP) dans la crise de paludisme aigu. Patients et Méthodes
L'étude a été réalisée chez 25 patients, atteints de paludisme aigu (18 hommes et 7 femmes), âgés de 17 à 67 ans. Ces patients, infestés en Afrique, ont consulté pour une fièvre, souvent accompagnée de frissons, céphalées, asthénie ou de diarrhées. Le frottis a confirmé l'infestation par Plasmodium falciparum, avec une parasitémie variant de 0,01 % à 1 % dans 20 cas et entre 1 % et 8 % dans 5 cas. Par ailleurs chez ces patients, ont été pratiqués un hémogramme et un bilan hépatique. La vitesse de sédimentation a été effectuée par un prélèvement de sang veineux directement dans le tube vacutainer (Becton Dickinson), déposé sur un portoir spécifique Séditainer, gradué de 2 en 2 mm (Figure 1).
La CRP a été dosée par néphélémétrie cinétique sur un appareil Array Beckman ou sur un turbitimer Behring (Figure 2).
Ces deux examens nécessitent environ le même temps, soit 1 heure. Résultats
L'hémogramme a montré une hémoglobine supérieure à 11 g/l dans 20 cas, un taux normal de leucocytes dans 19 cas, et une thrombopénie (< 100.000 pl./mm3) dans 21 cas. Le bilan hépatique a montré une élévation des transaminases dans 20 cas. La vitesse de sédimentation moyenne des patients a été de 19,8 mm à J1 et de 39,2 mm à J7. La vitesse de sédimentation était supérieure à 105 mm dans 5 cas.
La CRP moyenne a été de 94,5 mg/l à J1 et de 13,20 mg/l à J7. La CRP a été augmentée dans tous les cas dès J2 (Tableau I). Discussion
L'augmentation de la vitesse de sédimentation est due à l'agglutination des hématies et à la formation de rouleaux, par la présence dans le plasma de protéines de l'inflammation chargées positivement, qui neutralisent les forces électriques répulsives négatives naturelles des hématies [1,2,3]. Un grand nombre de facteurs interviennent pour modifier la vitesse de sédimentation (Tableau II).
Tableau II : Les facteurs influençants la VS Le taux normal de la V.S. est de 3 à 5 millimètres chez l'homme et de 7 à 20 millimètres chez la femme. Parmi les protéines de la réaction inflammatoire, la CRP est la plus utilisée, en raison de sa précocité d'augmentation et de sa cinétique rapide [4]. Sa demi-vie est de 5 à 6 heures. La CRP se concentre sur les tissus affectés par l'inflammation, pour y exercer ses propriétés biologiques : activation du complément, effet bactériostatique indirect en facilitant l'ingestion des microorganismes, facilitation de la résorption des tissus lésés par phagocytose, activation de l'agrégation plaquettaire. En outre, la CRP empêcherait la pénétration du sporozoïte dans l'hépatocyte [5]. Le taux normal de la CRP est de 0 à 8 mg/l, et ne varie ni selon le sexe, ni selon l'âge [6]. La CRP est élevée dans certaines pathologies (Tableau III).
Tableau III : Variation de la Protéine-C-réactive (CRP) Au cours de l'accès palustre, les cellules mononucléées activées par le Plasmodium produisent des cytokines de l'inflammation telles que le Tumor Necrosis Factor (TNF) l'interleukine 1 (IL 1) ou l'interleukine 6 (IL 6) [7,8]. Ces cytokines stimulent la synthèse hépatique des protéines de la réaction inflammatoire comme la CRP [9], l'orosomucoïde et l'haptoglobine qui sont élevées dans le paludisme [10]. Par ailleurs, l'effondrement de l'haptoglobine traduit l'existence d'une hémolyse [11]. Le nombre d'hématies détruites est supérieur à celui des hématies infestées par le Plasmodium, en raison des complexes immuns fixés sur les érythrocytes non parasités qui sont ainsi détruits par les macrophages du système réticulo-histiocytaire [8]. Par ailleurs, le TNF inhibe l'érythropoièse dans la moelle osseuse. L'hémolyse entraîne la libération de l'hémoglobine qui se complexe à l'haptoglobine ce qui diminue son taux sérique [12]. L'augmentation de la CRP dans le paludisme avait déjà été remarquée par divers auteurs [13,14]. Notre étude n'a pas montré de relation avec l'intensité de la parasitémie contrairement à d'autres auteurs [15]. La CRP a été très élevée (de 42 à 231 mg/l) dans 17 cas. Aussi, la CRP a-t-elle été utilisée comme ayant une bonne valeur prédictive positive pour le diagnostic du paludisme chez des sujets fébriles revenant d'une zone tropicale [13], et comme marqueur de paludisme dans des enquêtes épidémiologiques [16]. L'augmentation de la concentration plasmatique des immunoglobulines des patients atteints de paludisme explique l'accélération de la vitesse de sédimentation. Cependant, la vitesse de sédimentation est restée normale chez 50 % des patients [14]. D'autres études n'ont pas montré de différences significatives entre les patients paludéens et ceux atteints d'autres affections fébriles [17]. Par ailleurs l'augmentation de la vitesse de sédimentation est influencée par l'anémie, comme ce fut le cas chez 2 de nos patients [1]. Dans notre étude 12 patients avaient une vitesse de sédimentation normale alors que la CRP était toujours élevée. La dissociation entre une vitesse de sédimentation normale et une CRP élevée a déjà été constatée dans d'autres pathologies inflammatoires [18], y compris chez l'enfant [19]. L'évolution de ces deux constantes est très intéressante. En effet, la CRP régresse de manière significative (p = 0,004) entre le ler jour (moyenne 95 mg/l) et le 7ème jour (moyenne : 13 mg/l) corroborant d'autres études sur ce sujet [20]. La CRP augmente dès les premières heures de l'inflammation et régresse entre J1 (moyenne: 20 mm) et J7 (moyenne 39 mm) de manière non significative (p = 0,1). Son retour à la normale nécessite de 3 à 6 semaines. En conclusion, la vitesse de sédimentation semble insuffisante pour faire un diagnostic rapide de syndrome inflammatoire, alors que la CRP a une excellente valeur prédictive. De plus, la précocité d'élévation de la CRP dès l'apparition du syndrome inflammatoire, en fait un examen complémentaire nettement préférable à la vitesse de sédimentation, parmi les éléments diagnostiques du paludisme. Mais c'est, bien entendu, le frottis sanguin qui reste l'examen fondamental pour affirmer un tel diagnostic, permettant de préciser à la fois l'espèce en cause et la parasitémie, éléments essentiels à la conduite thérapeutique. Bibliographie
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Dr Stephan Duparc juillet 2000 | Dernières modifications le : 10 Janvier 2004 |