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Malaria 2000
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Article 3 - Malaria 2000
Paludisme aigu non compliqué à P. falciparum au Kenya K.M. Bhatt, S.M. Bhatt, A.J. Oloo, S.A. Jivanjee, C. Kanja, B. Kimanzi et W.S. Ekissa
Résumé
Une étude sur l'efficacité et la tolérance de la méfloquine a été conduite dans trois grands centres au Kenya : le Kenyatta National Hospital de Nairobi, le Coast General Hospital de Mombasa et le New Nyanza Hospital de Kisumu. Au total, 257 patients atteints de paludisme aigu non compliqué à P. falciparum ont reçu 1000 mg de méfloquine en deux doses fractionnées, à 8 heures d'intervalle. Deux cent cinquante trois patients ont terminé l'étude. Tous avaient des parasitologies négatives, le temps de clairance sanguine était de 18 heures et le temps de clairance parasitaire moyen était de 48 heures. Quatre-vingt-un patients de Nairobi ont été suivis jusqu'à 28 jours et tous ont été guéris. Les patients de Kisumu et Mombasa n'ont pas été suivis jusqu'à 28 jours car il s'agit là de zones hautement endémiques et il aurait été impossible d'exclure une réinfection. Le produit a été bien toléré, les principaux effets indésirables étant des vertiges, observés chez 74 patients.
Introduction
Le paludisme continue d'être un problème de plus en plus sérieux, surtout en Afrique. En Afrique tropicale, près de 370 millions de personnes vivent dans des zones d'endémie où Plasmodium falciparum est le principal parasite. La chloroquine est le plus couramment utilisé des produits de première intention contre le paludisme sur le continent africain. Toutefois, une extension de la résistance à la chloroquine a été rapportée dans la plupart des régions de l'Afrique sub-saharienne, dont l'Afrique occidentale (1,2,3). Au Ruanda, par exemple, en 1985, seuls 31 % des patients ont présenté un certain degré de résistance à la chloroquine, tandis qu'en 1987 le taux de résistance avait doublé, passant à 65 % (2). Différents degrés de résistance à la chloroquine ont été rapportés au Kenya, surtout le long de la région côtière et au Kenya occidental (4-7). Actuellement, la résistance à la chloroquine serait de l'ordre de 50 - 75 % dans certaines zones (8-10). L'augmentation de la résistance à la chloroquine a conduit à modifier les recommandations prophylactiques pour les touristes visitant l'Afrique. Aujourd'hui, l'antipaludique le plus utilisé à titre préventif en Afrique - et dans d'autres pays où existent des formes de paludisme à P. falciparum résistantes à la chloroquine - est la méfloquine. La méfloquine est par ailleurs largement utilisée pour le traitement du paludisme aigu, où l'on observe des formes de P. falciparum multirésistantes, et la méfloquine est même utilisée à hautes doses dans certaines régions (11-13).
En Asie du Sud-Est, les dérivés de l'artémisinine sont de plus en plus utilisés en raison des résistances aux autres antipaludiques. Toutefois, un fort taux de recrudescence a été noté lorsque les dérivés de l'artémisinine étaient utilisés seuls, mais le taux de guérison se trouvait remarquablement amélioré lorsque la méfloquine était ajoutée au traitement (14,15).
La méfloquine est utilisée depuis longtemps par les touristes visitant le Kenya. Etant donné la très haute incidence du paludisme au Kenya et l'extension rapide des résistances à la plupart des antipaludiques courants, il est vital de tester des molécules nouvelles et - peut-on espérer - plus efficaces. La méfloquine est l'une de ces molécules, qui a déjà été étudiée dans certaines parties de l'Afrique orientale (16-19) et a récemment été mise sur le marché kenyan.
Méfloquine - comme plusieurs autres antipaludiques, la méfloquine est un dérivé lointain de la quinine. La caractéristique commune de tous ces composés est le noyau bicyclique conjugué dextrogyre de la quinoline. Le mécanisme d'action de la méfloquine n'est pas encore pleinement élucidé. On sait que la méfloquine se lie avec une haute affinité à la membrane érythrocytaire et pourrait donc ainsi bloquer l'invasion des érythrocytes sains par les mérozoïtes. Il apparaît que l'action de la méfloquine est liée à la dégradation de l'hémoglobine par les plasmodies, ce qui entraîne leur destruction par lésions membranaires létales. Les modes d'action de la quinine, de la chloroquine et de la méfloquine sont très similaires à bien des égards, mais contrairement aux deux premiers composés, la méfloquine ne s'intercale pas dans l'ADN. La méfloquine est un schizonticide sanguin actif dans le paludisme à Plasmodium falciparum. Elle exerce également un effet gamétocytocide sur Plasmodium malariae, P. ovale et P. vivax, mais pas sur les gamétocytes matures de P. falciparum. Elle n'a pas d'effet sur les formes exoérythrocytaires hépatiques ni sur les sporozoïtes. La méfloquine a une longue demi-vie, de 20 jours.
Patients et Méthodes
L'étude a été conduite en ouvert avec la méfloquine (Mephaquin Lactabs, fourni par Mepha Ltd., Aesch-Bâle, Suisse). Elle s'est déroulée dans trois grands centres au Kenya, le Kenyatta National Hospital de Nairobi, le Coast General Hospital de Mombasa et le New Nyanza Hospital de Kisumu. Pour être admis dans l'étude, les patients devaient être atteints de paludisme aigu non compliqué à P. falciparum, être âgés de plus de 12 ans et avoir donné leur consentement éclairé pour leur participation à l'étude. Les critères d'exclusion étaient les suivants : grossesse, formes sévères et compliquées de paludisme (20), traitement antipaludique dans les dix jours précédant le début de l'étude, infections mixtes, enfants de moins de 12 ans et présence d'autres infections évidentes.
Tous les patients ont été hospitalisés pendant cinq jours et ont été suivis en ambulatoire par la suite, à J7, J14, J21 et J28. Un examen clinique approfondi a été pratiqué sur chaque patient à l'admission et la température, le pouls et la fréquence respiratoire ont été mesurés toutes les 6 heures. La symptomatologie a été évaluée quotidiennement les cinq premiers jours, et ensuite une fois par semaine. Les principaux signes et symptômes évalués étaient la fièvre, les céphalées, les douleurs articulaires et musculaires.
Le bilan de prétraitement comprenait les examens suivants : NFS complète, glycémie, ionogramme sanguin, bilirubine, phosphatases alcalines, urée, créatinine, albumine, globulines, AST et ALT, et bilan urinaire. Ces examens ont été répétés à J14 et J28. Les examens parasitologiques, frottis sanguin et goutte épaisse, ont été effectués toutes les 24 heures les cinq premiers jours, puis à J7, J14 et J28 par la suite. Seuls les patients de Nairobi ont été suivis jusqu'à J28. Les patients de Mombasa et Kisumu ont été suivis jusqu'à J14, étant donné que ces deux régions sont des zones de haute endémie palustre et que l'on ne peut exclure une réinfection dans un suivi à long terme.
L'élimination de la fièvre a été suivie du début du traitement jusqu'à ce que la température axillaire soit tombée à 37,5°C et soit restée au-dessous de cette valeur au cours des 48 heures suivantes. Les examens parasitologiques ont été considérés comme négatifs si aucun parasite n'était observé dans 200 champs d'une goutte épaisse observés au microscope sous immersion à l'huile.
Les patients ont reçu 1000 mg de méfloquine en deux doses fractionnées, à 8 h d'intervalle. Les effets indésirables étaient, par définition, les signes et symptômes survenant pour la première fois ou s'aggravant après le début du traitement. La guérison était, par définition, l'absence de recrudescence pendant les 28 jours de suivi.
Résultats
Au total, 257 patients ont été étudiés dans les trois centres : 100 à Nairobi, 85 à Mombasa et 72 à Kisumu. Deux cent cinquante-trois patients ont terminé l'étude. Quatre patients sont sortis de l'étude avant d'avoir effectué sept jours de traitement. Neuf autres patients ont été exclus de l'étude. Six patients à Nairobi avaient une infestation mixte par P. vivax et P. falciparum et un patient à Nairobi et deux à Mombasa avaient une infestation pure à P. vivax. Tous étaient Ethiopiens. L'âge moyen des patients était de 25,3 ans, le plus jeune étant âgé de 12 ans et le plus vieux de 70 ans. Il y avait 162 patients de sexe masculin et 95 de sexe féminin. La densité parasitaire moyenne avant le traitement était de 1,8 x 104 par µl. La distribution de la densité parasitaire est présentée dans la Fig 1.
Fig 1 : Distribution de la densité parasitaire
Le délai moyen d'élimination de la fièvre était de 18 h et celui de l'élimination des parasites était de 48 h. La Fig 2 montre la densité parasitaire moyenne après le traitement.
Fig 2 : Densité parasitaire moyenne
Deux patients ont mis plus de trois jours pour éliminer les parasites. Tous deux étaient séropositifs pour le VIH. Il n'a pas été observé d'anomalie significative de la créatininémie, de la glycémie, de l'urée et de l'ionogramme sanguin, ni des enzymes hépatiques avant ou après le traitement (Tableau I). Trois patients ont présenté une légère augmentation des taux d'ALT à J7 et deux à J14, mais tous avaient des valeurs normales à J28. Tous les patients ont terminé le suivi à J7 et présentaient des frottis et gouttes négatifs ;
Moyenne (DS) |
Moyenne (DS) à l'ADMISSION |
JOUR 14 Moyenne (DS) |
JOUR 28 Moyenne (DS) |
Hématocrite volume % |
34 (4) |
33 (3) |
36,7 (5,4) |
Globules Blancs (nombre/µl) |
8186 (2926) |
8183 (3927) |
7295 (1057) |
Plaquettes |
310 x 103 (160 x 103) |
274 x 103 (122 x 103) |
227 x 103 (105 x 103) |
ALAT |
44,9 (30,2) |
54.1 (20,6) |
42,0 (11) |
Créatinine |
106 (7) |
112 (14) |
109 (11) |
Protéines |
77 (12) |
79 (10) |
76 (14) |
Albumine |
37 (7) |
36 (4) |
36 (4) |
Glycémie |
5,7 (1,2) |
|
|
Tableau I : Paramétres biologiques
81 patients, tous de Nairobi, ont terminé le suivi jusqu'à J28. Tous ces patients ont été guéris (Tableau II).
PERIODE DE SUIVI |
N° DES PATIENTS |
Frottis sanguins POSITIF |
Frottis sanguins NEGATIF |
Jour 7 |
253 |
0 |
253 |
Jour 14 |
167 |
0 |
167 |
Jour 21 |
97 |
0 |
97 |
Jour 28 |
81 |
0 |
81 |
Tableau II : Suivi des patients et de leur parasitémie
Effets Indésirables
L'effet indésirable le plus fréquent du traitement était une sensation de vertiges rapportée par 74 patients, qui est survenue dans les deux premiers jours du traitement et a duré 2-3 jours. Les autres effets sont rassemblés dans le tableau III.
|
Nombre |
Jour de début |
Durée en jours |
Vertige |
74 |
0-1 |
2-3 |
Céphalée |
25 |
3-4 |
1-2 |
Douleur abdominale |
12 |
0-1 |
1-3 |
Nausée/vomissements |
5 |
1-2 |
1 |
Diarrhée |
3 |
2 |
1-2 |
Prurit |
3 |
2 |
2-3 |
Perte d'appétit |
3 |
1 |
6 |
Tableau III : Effets indésirables observés
Discussion
Cette étude a été conduite chez des patients présentant un large spectre de maladies et différents statuts immunitaires, Nairobi étant une zone non endémique de paludisme, la majorité des résidents normaux étant non immunisés et contractant l'infestation ailleurs, tandis que Mombasa et Kisumu sont toutes deux des zones d'endémie dont les résidents présentent une certaine immunité. L'autre observation à Nairobi était un groupe de réfugiés d'Ethiopie et de Somalie dont un certain nombre étaient à la limite de la sous-alimentation. Toutefois, en ce qui concerne l'efficacité de la méfloquine, aucune différence n'a été notée entre les taux de réponse dans les différents centres. Il a fallu plus de trois jours pour éliminer totalement les parasites chez deux patients, qui se sont ensuite révélés porteurs du VIH. Aucune conclusion définitive ne peut être tirée de cette observation, puisque nous n'avons pas étudié le statut VIH de tous les patients. L'étude a révélé un taux de guérison de 100 % à sept jours. Tous les patients n'ont malheureusement pas terminé le suivi jusqu'à J28, mais chez ceux qui ont terminé l'étude, le taux de guérison était de 100 %.
Bien que nous ayons limité le traitement aux conditions du protocole, nous avons utilisé dans certains cas - pour des raisons humanitaires et en raison de l'absence d'autres médicaments - la méfloquine chez des patients à l'état très grave, et la réponse au traitement dans ces cas très sérieux était excellente. La méfloquine a été bien tolérée par la plupart des patients, le principal effet indésirable étant des vertiges d'une durée de 2-3 jours, qui ont ensuite totalement disparu. Comme tous nos patients étaient hospitalisés, les vertiges ne les ont pas beaucoup gênés et un grand nombre d'entre eux n'ont pas signalé spontanément cet effet indésirable. Toutefois, il est préférable d'avertir les patients en ambulatoires de ce possible effet indésirable, qui peut être gênant. Les rares effets indésirables neuropsychiatriques observés dans certains cas ont été attribués aux doses bien plus élevées utilisées. Dans cette étude, nous avons utilisé une dose faible, d'ailleurs fractionnée en deux prises à 8 h d'intervalle.
Comme la majorité de nos patients traités par méfloquine avaient un paludisme non compliqué, avec des constantes biochimiques normales, l'occasion était bonne d'étudier les éventuelles perturbations de ces constantes sous méfloquine. Nous n'avons observé aucune anomalie significative des fonctions organiques majeures.
Conclusion
La méfloquine, à la dose de 1000 mg en 2 prises fractionnées à 8 heures d'intervalle, s'est révélée très efficace et bien tolérée dans le traitement du paludisme à P. falciparum. Toutefois, ce produit doit être utilisé de manière appropriée pour une indication correcte. La méfloquine est également un produit très utile en traitement préventif, surtout à court terme (2). C'est le médicament idéal chez les patients traités à court terme par les dérivés de l'artémisinine, pour éviter les récidives (22). L'emploi sans discernement de la méfloquine peut favoriser le développement de résistances, car ce composé possède une très longue demi-vie et devrait donc être réservé au traitement de seconde intention du paludisme. Toute apparition d'une résistance doit être immédiatement signalée.
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