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Malaria N° 9 - Sujet N° 5
LES RELATIONS ANOPHELES - PLASMODIUM ; CONSEQUENCE POUR LA TRANSMISSION DU PALUDISME
V. Robert
RESUME
Les relations anophèles-vecteurs constituent un sous ensemble des inter-relations qui relient les trois acteurs du paludisme: l'Homme, le Plasmodium et l'anophèle.
La transmission du paludisme concerne aussi bien le passage du parasite dans le sens moustique-Homme que dans le sens Homme-moustique. Aussi, dans le but d'illustrer quelques points particuliers des relations Anophèles-Plasmodium et leurs conséquences pour la transmission du paludisme, seront successivement abordés : la piqûre infectée d'un anophèles les facteurs modulant l'infectivité des gamétocytes pour le vecteur, et enfin les relations transmission-morbidité-mortalité.
La piqûre de l'anophèle porteur de sporozoïtes dans ses glandes salivaires recouvre trois processus à la fois distincts et liés : la pénétration des pièces buccales (probing), l'injection de salive contenant les sporozoïtes, et le gorgement (feeding). Les connaissances nouvelles relatives à cette piqûre infectée concernent principalement les quatre points suivants :
- (1) Le nombre de sporozoïtes effectivement injectés dans l'hôte est de l'ordre d'une dizaine, mais peut exceptionnellement atteindre plusieurs centaines. Ce nombre est étonnamment faible et correspond à peu près à 1 % du nombre de sporozoïtes contenus dons les glandes salivaires.
- (2) Les sporozoïtes injectés dans la peau pendant le probing semblent les seuls à pouvoir parvenir dans le foie de l'hôte. Les sporozoïtes injectés dans le vaisseau sanguin pendant le feeding sont sans avenir pour le cycle parasitaire car ils sont aussitôt réingérés par le moustique dans son repas de sang.
- (3) Le succès d'une seule piqûre pour infecter un hôte non immun n'est jamais absolu ; quoiqu'encore imparfaitement évolué il pourrait être de l'ordre d'une chance sur deux.
- (4) Le comportement de piqûre de l'anophèle avec des sporozoïtes dans les glandes salivaires semble modifié, selon les espèces de vecteurs et peut-être aussi selon l'espèce plasmodiale, avec une augmentation du temps de pénétration des pièces buccales, et/ou une augmentation du nombre moyen d'hôte piqué pour atteindre une réplétion complète ; ces modifications favorisent la transmission du paludisme.
Les facteurs modulant l'infectivité des gamétocytes pour le vecteur sont nombreux et encore relativement méconnus. Les facteurs exposés ici sont au nombre de six :
- (1) La densité gamétocytaire est probablement le facteur le plus évident ; les plus faibles densités gamétocytaires ont une faible probabilité d'être infectante pour le moustique mais, dans certains cas, de fortes densités ne sont manifestement pas infectantes.
- (2) Le statut dréponocytaire du porteur de gamétocytes augmente le pouvoir infectant de ses gamétocytes.
- (3) La forte proportion de gamétocytes mâles joue également un rôle favorisant le succès de l'infection.
- (4) Des facteurs sanguins, relevant de l'immunité limitant ou bloquant la transmission,
peuvent avoir un rôle important.
- (5) L'âge des gamétocytes est un facteur important encore trop peu documenté. Les gamétocytes très jeunes, au moment où ils apparaissent dans la circulation périphérique sont peu/pas infectants ; de même, les gamétocytes âgés de
plusieurs semaines présentent une infectivité réduite.
- Enfin (6), l'impact direct ou indirect de médicaments antimalariques peut avoir une grande importance. A titre d'exemples la chloroquine possède un effet stimulant L'infectivité des gamétocytes l'association sulfadoxine-pyriméthamine a un effet sporonticide. Les facteurs
étudiés qui n'influencent pas l'infectivité pour le vecteur sont : le sexe des porteurs de gamétocytes, leur groupe sanguin, leur facteur rhésus, leur température, et enfin
la présence et la densité des parasites sanguins asexués.
Les relations transmission-morbidité-mortalité sont au coeur de la problématique de la lutte anti-anophélienne. En zone épidémique ou de faible endémie il est solidement établi que la transmission doit être la plus faible possible. Par contre, en zone de moyenne ou de forte endémie, la comparaison de situations épidémiologiques différant par le niveau de transmission apportent des arguments solides sur le fait que le niveau de transmission n'est pas un déterminant de la morbidité et de la mortalité palustre globale.
Cependant ce niveau de transmission est un déterminant de la dynamique de la morbidité et de la mortalité d'acquisition de la prémunition : en zone de forte transmission les classes d'âge les plus jeunes sont nettement les plus touchées en zone de forte transmission celles qui ont les plus forts taux de morbidité et mortalité, alors que les conséquences du paludisme se répartissent plus équitablement entre les différentes classes d'âge dans les zones de transmission plus faible. De très nombreux projets de lutte anti-vectorielle (par exemple avec des moustiquaires imprégnées d'insecticide) ont montré une efficacité certaine et une amélioration de la situation sanitaire palustre mais il probable :
- (1) Que cette amélioration ne soit qu'un effet à court terme (un ou deux ans) et/ou
- (2) Que cette amélioration ne soit pas seulement due à la réduction de la transmission mais aussi à d'autres facteurs contrôlés ou non qui relèvent de la prise en charge des cas et de l'éducation sanitaire.